• L'écriture impossible

    Si vous êtes un rationnaliste pur jus, sans ouverture aucune sur la moindre part d'irrationnel, peut-être vaut-il mieux ne pas lire ce qui suit.

    Car moi-même j'ai du mal à comprendre, à analyser ce phénomène.

    Je suis pourtant quelqu'un de posé, réfléchi et... rationnel mais j'ai vécu certaines expériences troublantes qui ont fait naître plus de questions qu'elles n'ont apporté d'explications.

    Et pourtant...

    Quand j'ouvris ce blog, je croyai que ce serait facile de le tenir à jour.
    Erreur. C'était ne pas tenir compte (ne pas vouloir) de choses qui me dépassent.

    Cela commença tout de suite. Je n'en étais pas encore très consciente mais certaines lectures me laissaient épuisée, moulue physiquement. Je mis ça sur le compte du choc car aborder le monde concentrationnaire quand on a 13 ans, c'est dur.

    Mais je devais me rendre à l'évidence. Quelque chose n'allait pas, ne collait pas avec ma façon habituelle d'aborder la vie et les choses. Je n'avais pas encore fait philo et j'ignorais être quelqu'un de cartésien mais on m'avait pas baptisé "Saint Thomas" pour rien.
    Aussi quand pour la première fois le phénomène se manifesta, je n'en tins pas compte. L'émotion expliquait tout, voilà tout.

    Oui mais comment expliquer que je savais avant d'avoir lu, ou vu ?

    Comme cette fois où, regardant en famille Au nom de tous les miens, je fus prise d'une crise d'angoisse et dis tout haut "on va prendre la Route du Ciel". Quelques minutes plus tard, sur l'écran s'afficha un panneau en lettres gothiques "Hell Straβe". Au camp de Treblinka cette "route" menait aux crématoires et les déportés affectés au Sonder Kommando l'empruntaient pour rejoindre leur poste.
    Je ne pouvais pas le savoir : je n'avais encore jamais lu ou vu quoique ce soit sur le camp de Treblinka.

    Comment expliquer que je me retrouvais parfois étourdie par la faim, l'estomac douloureux et la tête vide ? Comment expliquer que les coups que je "lisais" me faisaient mal et me faisaient souffrir le livre refermé ? Comment expliquer avoir su que, tandis qu'à Bergen Belsen je voyais des femmes privées d'eau depuis des jours casser la glace du bassin, je savais qu'il ne fallait pas la boire car j'ai "vu" le corps putréfié avant d'atteindre les lignes le mentionnant ? Comment expliquer qu'il m'est arrivé de me débarrasser de mes vêtements qui sentaient la chair brûlée, la pourriture et la crasse qui parfois même m'irritait la peau ? Comment expliquer que je me suis évanouie devant ma famille, inquiète, sans pouvoir leur dire que j'avais "pausé" trop longtemps sur l'Appelplatz ?

    Et cet en-tête que j'ai choisi... Auschwitz. J'aurais pu choisir Dachau ou Gross Rosen qui eux aussi portaient ce fameux "Arbeit macht frei", ou encore Buchenwald et son "Jedem das Seine".
    Certes Auschwitz est devenu LE symbole du nazisme et de l'Holocauste.

    Mais chaque fois que je viens ici pour poster un billet, je suis prise de terreur. Pas au sens littéraire, mais dans chaque fibre de mon corps car j'entends le bruit des freins, les cris dans mon wagon, je sens cette odeur de paille pourrie d'où monte une nouvelle odeur : celle de la peur.
    Je vois la lueur glauque de la rampe de triage, j'entends les SS rire en attendant que nous descendions. J'entends le claquement de la porte du wagon qu'on déverouille et qui va nous vomir sur ce quai irréel. Je ne suis ni un homme ni une femme, mais j'ai été là, comme je suis là à mettre ces mots qui me feront passer pour folle.

    Empathie, pouvoir de suggestion ? J'y ai pensé. J'ai voulu m'en convaincre, j'aimerais aujourd'hui encore m'en convaincre. Sans aucun succès.

    Car cela ne m'arrive qu'à propos de quatre camps précis : Treblinka, Ravensbrück, Auschwitz et Bergen Belsen. Et ce n'est pas logique car, historiquement, un déporté n'avait aucune chance de connaître successivement ces quatre camps.
    Aucune femme n'a survécu à Treblinka et n'a pu prendre le chemin emprunté par les Sonder (des hommes), la Hell Straβe.
    Ravensbrück était le camp des femmes. On n'y croisait que des déportés détachés d'un Kommando pour y effectuer des travaux.

    Alors d'où me viennent ces réminiscences ? Je n'aime pas la réponse.
    Elle ne colle pas avec mon sens du rationnel.

    Je me suis ouverte sur cette question pour la première fois à une amie il y a deux mois. Elle n'a pas ri. Pas du tout.
    Je serais probablement raillée mais peu m'importe. Je sais ce que je sens.

    Quelqu'un m'a transmis son enfer.

    Pour que quelqu'un se souvienne encore, quand les survivants seront partis ?


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  • Commentaires

    1
    Saphyr Profil de Saphyr
    Vendredi 24 Septembre 2010 à 14:42

    CC, hum en effet c'est étrange ton histoire.

    Ca pourrait être de l'empathie, moi aussi il m'arrive de ressentir beaucoup de choses, mais pas a ce point.

    Je pense que tu devrais prendre de la distance, penses-tu qu'il est bon de garder ce blog ? tu n'as pas l'impression d'entretenir ta "douleur" ???

    Prends-soin de toi ! Beijinhos.

    2
    Lundi 6 Décembre 2010 à 13:33

    Au risque également de paraître marginale, je dirais que ce ressentit qui te pousse à écrire sur ce sujet des camps, de ces tragédies , n'est pas le fait du hasard, il y a une raison même si tu ne l'as pas encore trouvée, les coïncidences pouvant être interprétées comme des signes ...

    3
    Mardi 4 Janvier 2011 à 11:10

    Coucou

    eh bien moi j'y crois ... comme tu dis, quelqu'un t'a peut-être transùis son enfer pour que tu le transmette ici sur ton blog

    ce quelqu'un tu le connais peut-être, quelqu'un de ta famile ? ou très proche ?

    Ou peut-être, sans vouloir te faire peur, était-ce toi ? dans une autre vie ? moi je crois à tout cela

    rien n'est innocent

    et moi aussi je vais paraître folle mais je communiquais avec mes proches décédés par médiums interposés je sais qu'ils sont là .Je n'ai malheureusement plus la possibilité de faire ces séances et ça me manque mais quel bonheur de recevoir leurs messages

    ton histoire est très probablement plus réelle que tu ne le penses

    Bonne journée

    et aussi, très bon annif

    bisous

    4
    Mardi 4 Janvier 2011 à 11:21

    Re,

    je viens de lire ton article à José qui dit que tu devrais faire une régression, pour pouvoir arriver à comprendre ce phénomène car il y a beaucoup de chance (ou plutot de malheur) que tu l'ai vécu ou alors quelqu'un de très très proche

    Mais ne pas faire cette régression en hypnose totale car dans ce cas, si ton thérapeute n'est pas tout à fait correct il pourrait te suggérer tes réponses

    en semi-hypnose tu n'auras pas de soucis mais encore faut-il trouver le bon thérapeute ...

    bisous

    5
    Dimanche 3 Avril 2011 à 22:09

    Bonsoir, non, loin de moi l'idée de te prendre pour une folle. J'ai vécu une expérience similaire ou presque. Si tu veux je peux t'en parler en privé. On m'a souvent renvoyé que je me rappelais une vie antérieure. J'espère que ça te rassure. Moi je l'ai transcrit dans un livre. En l'écrivant et chaque fois que je l'ai relu je suis tombée malade. Mais je ne regrette pas de l'avoir écrit. Peut-être pourrais-tu envisager de l'écrire toi aussi... Peut-être es-tu désignée pour témoigner. Alors il faut le faire.


    Bonne fin de soirée. Amitiés.

    6
    Mercredi 15 Juin 2011 à 20:42

    Ça ne se fait pas... et pourquoi pas ? Je suis handicapé, et le copier-coller m'aide bien pour certaines choses... Je dois peut-être recommencer plusieurs fois, mais je tiens à rendre hommage à ce blog.


    Je comprends ton besoin de parler de cette calamité afin que ça ne s'oublie pas, je ressens la même chose. J'ai parcouru ton blog en vitesse, il me semble pavé de bonnes intentions, mais il me semble manquer quelque chose... Ne me demande pas quoi, je dois revenir, peut-être saurais-je alors ce que je veux dire... A bientôt, amicalement ciao
    Erwin

    7
    Dimanche 4 Décembre 2011 à 22:52

    Bonsoir,

    Je peux comprendre que cela te soit douloureux poour toi, car ce n'est pas une expérience heureuse, faite de joie. (pour l'instant...) Rien n'est fait au hasard, tout est providence, je le crois !

    Tu es sans aucun doute, le plus grand médium dont j'ai entendu parler ! Car tu ressens même physiquement les choses... Tu les vis, au plus profond de ton être... Je crois qu'il y a un but à cela, et toutes les autres questions sont secondaires. (Tu peux sans doute, aussi  travailler derrière le miroir, demande ! ;-)

    J'avais 12 ans lorsque j'ai vu pour la première fois, les camps et j'ai compris l'horreur dont pouvaient être capable un ou des humains en manque total de divinité (c'est à dire qu'ils ont gardé leur bestialité - Je ne parle pas ici d'animaux...)

    Beaucoup de personnes peuvent être mises en trait d'union mais elles sont dispersées... Car ce n'est pas fini, visibles et invisibles... L'aide est Naturelle ! On reconnait l'homme à ses fruits ! (ses dires et ses actes).

    Comme le bon Samaritain...

    Bisous Mayanne

    8
    Lundi 5 Décembre 2011 à 01:56

    Coucou, je viens te poster l'url de la page de blogs amis où j'ai fait figurer ce blog ici.


    http://fibresdepassions.eklablog.com/blogs-d-ami-es-bien-sympa-p254134


    J'espère que cela te plaira... Amitié ! Mayanne

    9
    Lundi 5 Décembre 2011 à 01:58

    PS il vaut mieux que tu passes par Chrome ou Firefox car Internet n'affiche pas toutes les bannières...

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